Qu’est ce que le Karaïsme ?
Le judaïsme karaïte, ou karaïsme, est la foi originelle basée sur les Écritures hébraïques du Tanakh (Torah, Nevi’im, Ketouvim).
Le terme « karaïsme » vient de l’hébreu Karaim, qui signifie « les adeptes de l’Écriture ». Selon cette tradition, les Écritures hébraïques contiennent le plan directeur du Créateur de l’univers, révélé à la nation d’Israël par Moïse et les Prophètes. Le Créateur a confié au peuple d’Israël la mission de servir de « lumière pour les nations ».
Le judaïsme pratiqué aujourd’hui n’est pas le judaïsme originel, mais le judaïsme rabbinique, issu du judaïsme pharisien.
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Quel est l’origine du karaïsme ?
Le karaïsme existe depuis que la Torah a été donnée sur le mont Sinaï. Ce n’est que vers la fin du Second Temple que d’autres sectes, dont le judaïsme pharisien sont apparues et ont contesté l’autorité de la Bible hébraïque. Entre le VIème siècle avant notre ère, les instances juives religieuses dirigeantes de Judée restaient focalisées sur les prêtres du temple de Jérusalem.
Des premiers signes formels d’apparition du karaïsme sont liés à des ouvrages liturgiques et des recueils de chants datant des années 348, 359 et 437 après JC. Aussi, un décret sous forme de lettre du premier gouverneur islamique d’ Egypte, Amr ibn al-As, datant de 641, ordonne aux responsables de la communauté pharisienne /rabbinique de ne pas s’immiscer dans le mode de vie des « Qara’im » ( « Karaïtes »), ni avec la façon dont ils célèbrent leurs fêtes. Au fil du temps, les différents mouvements juifs anti talmudiques du Moyen Âge adhèrent au karaïsme.
D’après les historiens, entre le 7ème et 8ème après JC siècle, le karaïsme finit par réunir tous les opposants au Talmud, n’ayant pas adhéré au judaïsme pharisien. Ensuite il se développe pour représenter environ la moitié de la population juive au 11ème siècle après JC. Il devient alors un courant juif puissant et devient le seul courant en opposition avec le judaïsme pharisien.
Au cours du Moyen Âge, les Karaïtes prospérèrent dans de nombreuses régions, notamment à Byzance, en Espagne et en Égypte. Dans certaines régions, les karaïtes constituaient la majorité de la population juive, comme à Jérusalem (avant les croisades et leur extermination massive) et en Crimée. Il existait également des communautés karaïtes au Maroc, en Iraq, en Lituanie, en Galice et en Pologne. A partir de la fin du moyen-âge et des épisodes tragiques des croisades, les karaïtes ont été considérablement réduits.
Les karaïtes continuent jusqu’à aujourd’hui, à rejeter la Torah orale comme loi divine. Seule la Torah écrite, c’est-à-dire la bible hébraïque a une valeur normative.
Pourquoi le judaïsme Karaïte s’est séparé du judaïsme Pharisien/Rabbinique ?
L‘émergence du judaïsme rabbinique et la contestation karaïte
Les pharisiens, fondateurs du judaïsme rabbinique, apparaissent dans l’histoire à partir du IIe siècle avant notre ère. D’abord un groupe minoritaire, ils ont progressivement structuré leur influence, jusqu’à s’imposer au VIe siècle. Pendant cette période, la majorité du peuple d’Israël continuait encore à suivre exclusivement la Torah écrite, sans adhérer aux interprétations pharisiennes.
La destruction du Temple et la montée des pharisiens
En 70 de l’ère commune, la destruction du Temple de Jérusalem par les Romains bouleversa profondément le judaïsme. Le culte centré sur le Temple et les prêtres s’effondra, mettant fin à leur rôle central dans la vie religieuse.
Les pharisiens saisirent cette opportunité pour restructurer le judaïsme autour d’un système rabbinique, détaché du Temple. Avec le soutien des autorités romaines, ils entreprirent de codifier une tradition orale sous la forme de la Mishna, qui servira plus tard de base à la Tossefta et à la Guemara, donnant naissance au Talmud.
Ainsi, sous leur influence, le judaïsme évolua d’une religion centrée sur la Torah écrite et le Temple vers un judaïsme basé sur l’interprétation rabbinique, indépendante du texte biblique et des pratiques sacerdotales.
Le concept de « Torah orale » : une innovation pharisienne
Selon la doctrine pharisienne, deux lois divines auraient été données simultanément au Sinaï :
- La Torah écrite (Tanakh, ou Loi de Moïse).
- La Torah orale, consignée dans le Talmud (Mishna et Guemara).
D’après cette conception, la Torah écrite ne pourrait être comprise sans la Torah orale, qui détiendrait le même statut divin.
Toutefois, cette vision fut fermement contestée par les prêtres du Temple de Jérusalem, qui la considéraient comme une pure invention rabbinique sans valeur normative. Pour eux, il ne s’agissait que d’un ensemble de traditions folkloriques, imaginées par des rabbins et ne pouvant prétendre à la même autorité que la Torah.
Une fracture politico-religieuse
Ces divergences ne tardèrent pas à prendre une tournure politique et religieuse.
- Les prêtres et leurs partisans formèrent le parti des sadducéens, attachés à une lecture stricte de la Torah écrite et refusant la loi orale.
- Les pharisiens, eux, développèrent un judaïsme rabbinique, fondé sur leur propre interprétation des Écritures.
- D’autres groupes, comme les esséniens ou les zélotes, apportèrent également leur propre vision du judaïsme, contribuant à la fragmentation de la société juive de l’époque.
Le judaïsme pharisien finit cependant par s’imposer après la destruction du Temple, marginalisant les sadducéens et remodelant la structure religieuse juive autour du Talmud et des institutions rabbiniques.
L’opposition au Talmud et la naissance du karaïsme
Entre le VIIe et VIIIe siècle de l’ère commune, un mouvement rassembla tous ceux qui refusaient la loi orale et l’autorité du Talmud : le karaïsme.
Revendiquant un retour exclusif à la Torah écrite, les Karaïtes s’opposèrent à l’interprétation rabbinique et aux innovations instaurées par les pharisiens. Ils rejetèrent l’idée d’une Torah orale supposée concomitante de la Torah écrite, considérant son intégration comme une altération de la loi divine.
Les karaïtes aujourd’hui ?
Aujourd’hui, il y a environ 50 000 Karaïtes, dont 40 000 en Israël, 2 500 aux États-Unis et de petites communautés en Europe orientale. Les principales communautés karaïtes sont en Israël qui le centre communautaire mondial des karaïtes. La plupart des karaïtes sont situés à Ramla, Ashdod, Ofakim, Beersheba, Moshav Ranen, Moshav Masliah, avec des communautés plus petites à Jérusalem, Tel Aviv, Bat Yam et Arad. Le principal centre communautaire karaïte des États-Unis se trouve à San Francisco, où se trouve la seule synagogue karaïte en activité en Amérique du Nord. A sa création, l’État d’Israël a reconnu le droit des Karaïtes en tant que juifs à immigrer en vertu de la loi du retour. Beaucoup de karaïtes dont une majorité égyptienne ont pu donc immigré en Israël depuis la création de l’état.
Site officiel de la communauté karaïte, en Israël : Lien
Est-ce que les karaïtes reconnaissent le Tanakh ?
Oui La Torah ( תּוֹרָה ), Les Neviim ( נביאים ) et les Ketouvim ( כתובים)
Est-ce que les karaïtes reconnaissent la Loi orale du Talmud ? Si non, ont-ils leur propre loi orale ?
Non. Une loi orale implique que les karaïtes prétendraient qu’un ensemble d’interprétations donné leur a été donné à travers une prophétie divine qui n’était pas alors incluse dans la Bible hébraïque. Cela n’est pas le cas. Non seulement ils ne formulent pas une telle affirmation, mais ils ont la conviction que chaque interprétation doit être confrontée à une analyse critique et personnelle.
Est-ce que les karaïtes suivent le calendrier hébraïque ?
Oui. Les karaïtes ne suivent pas le calendrier d’Hillel II adopté par les rabbiniques. Les Karaïtes déterminent le début du mois en se basant sur l’observation de la nouvelle lune (molad) plutôt que sur des calculs mathématiques préétablis, comme c’est le cas pour le calendrier hébraïque rabbinique. Les Karaïtes estiment que cette méthode d’observation est plus fidèle à la Torah écrite. Les rabbiniques ne suivent pas le calendrier hébraïque.
voir : Lien
Est-ce que les karaïtes portent les tefillines ?
Non. La référence aux tefillines dans la Torah est une métaphore qui souligne l’importance de se souvenir et chérir la Torah. Pour les Karaïtes, « lier » les paroles de Dieu signifie les garder constamment à l’esprit et les mettre en pratique dans la vie quotidienne.
Le mot hébreu le totafot לְטֹטָפֹת est un synonyme du mot Zikaroneזכרון signifiant souvenir/mémoire. De plus ni Moise, ni même le peuple juif dans le Sinaï, ne les portaient, car le cuir n’existait tout simplement pas en Égypte.
Est-ce que les karaïtes se servent du shofar ?
Non. Le shofar est ignoré par les karaïtes car il a été détourné en objet de superstition et depuis la destruction du second temple, son utilité n’a plus de sens religieux.
Selon les karaïtes, tant que les juifs portent le deuil du second temple, il ne convient pas de sonner du shofar. La sonnerie du shofar retrouvera sa signification après la reconstruction du temple de Jérusalem.
Est ce que les karaites portent le Tallit ?
Oui, il est utilisé pendant la prière, la brith mila, le mariage et pour recouvrir le visage du défunt à l’enterrement. Il comporte le fil d’azur ( petil tekhelet ) dans les franges ( tsitsyot)
Est ce que les karaïtes placent une mezouza sur leurs poteaux de porte?
Les karaïtes considèrent ce passage comme une métaphore. les passages de Devarim (6: 8-9 et 11: 18-20) sont considérés comme allégoriques. Ils expliquent qu’il faut toujours garder à l’esprit les commandements de Dieu.
Des Karaïtes israéliens placent cependant une plaque symbolisant les dix commandements aux linteaux de leur porte d’entrée, par convenance sociale et pour ne pas heurter les autres juifs ainsi souffrir de discrimination.
Les karaïtes mangent-ils du lait et de la viande ensemble?
Le judaïsme rabbinique a élargi cette injonction en une prohibition totale de consommer ensemble tout type de viande et de produits laitiers. Il en a fait une interdiction rituelle absolue, au point d’imposer des ustensiles séparés et des délais stricts entre la consommation de viande et de lait.
Les Karaïtes, en revanche, considèrent que cette extension ne repose sur aucun fondement dans la Torah écrite. L’interdit initial a une raison bien précise :
Le lait maternel est destiné à nourrir son petit, il ne doit pas être détourné pour sa cuisson.
C’est une question de respect des liens du sang et de la relation mère-enfant.
Ainsi, seul le cas précis du lait maternel et de son propre petit est interdit. Il n’est nullement mentionné que le lait et la viande d’animaux différents doivent être séparés. Les Karaïtes peuvent donc consommer des produits laitiers avec de la viande provenant d’animaux distincts.
Cette interdiction est avant tout moral et symbolique, et non un principe alimentaire strict comme dans le judaïsme rabbinique. Il s’agit d’une loi de compassion, visant à éviter un geste cruel envers l’animal et sa descendance.
Ce raisonnement se retrouve dans d’autres lois bibliques, telles que :
- Ne pas prendre l’oiseau et ses œufs en même temps (Deutéronome 22:6-7).
- Ne pas sacrifier une mère et son petit le même jour (Lévitique 22:28).
Dans ce contexte, il est incohérent d’interdire le mélange de lait et de viande lorsqu’ils proviennent d’animaux totalement distincts.
Enfin, d’un point de vue historique, il est difficile d’imaginer que les Israélites de l’Antiquité aient pu se permettre d’imposer des règles aussi strictes concernant la séparation de la viande et du lait.
Aucune preuve archéologique ne montre qu’ils utilisaient des services de vaisselle distincts pour le lait et la viande.
Les réalités de la vie nomade et agraire de l’époque rendaient impraticables de telles restrictions.
L’extension rabbinique de cette loi semble donc être une innovation tardive, introduite pour imposer une distinction entre Juifs et non-Juifs à travers des règles alimentaires supplémentaires.
Qui est juif ?
Le karaïsme suit une descendance patrilinéaire, ce qui signifie qu’un Juif est une personne dont le père est juif. Cette affiliation repose sur la Torah écrite, qui structure l’identité des tribus d’Israël selon des lignées paternelles.
Contrairement au judaïsme rabbinique, qui impose une transmission matrilinéaire, les Karaïtes considèrent que l’héritage spirituel et ethnique passe par le père, conformément aux récits de la Torah.
La patrilinéarité est clairement attestée dans la Torah et les autres livres du Tanakh :
- Les tribus d’Israël sont toutes définies par leur lignée paternelle.
- Les généalogies bibliques suivent systématiquement la filiation du côté du père.
- Plusieurs récits montrent des mariages entre des hommes israélites et des femmes non israélites, sans que cela n’exclue leur descendance du peuple d’Israël. L’exemple le plus marquant est celui de Joseph, fils de Jacob, qui épouse Asnath, une Égyptienne (Genèse 41:45). Leurs enfants, Éphraïm et Manassé, sont non seulement considérés comme membres d’Israël, mais chacun devient l’ancêtre d’une tribu à part entière.
Le judaïsme rabbinique a progressivement adopté la transmission matrilinéaire, considérant qu’un enfant est juif uniquement si sa mère est juive. Les rabbins, à travers le Talmud, ont introduit des règles qui s’écartent du texte biblique, modifiant progressivement des principes aussi fondamentaux que l’identité juive.
Or, cette règle n’a aucun fondement dans la Torah écrite. Elle repose sur des interprétations tardives développées dans la loi orale rabbinique
Benjamin S