Au fil de l’histoire, le karaïsme se distingue par son approche progressiste en matière d’égalité des sexes. Au sein de cette mouvance religieuse, femmes et hommes bénéficient d’un statut similaire, ce qui contraste avec certaines autres traditions juives.
Cette ouverture se manifeste notamment pendant la fête de Soukkot, où le peuple d’Israël – hommes, femmes et enfants – est convié par Dieu à se rassembler en un lieu choisi pour entendre et apprendre la Torah. Les textes sacrés mentionnent explicitement que les deux sexes sont invités conjointement à cette étude, soulignant ainsi l’importance accordée à l’égalité des genres dans le karaïsme.
Comme leurs homologues masculins, les femmes karaïtes ont l’obligation de respecter les commandements et d’étudier le Tanakh. Cette reconnaissance de l’égalité des sexes témoigne de la vision avant-gardiste du karaïsme et offre un éclairage historique sur la manière dont cette tradition religieuse a contribué à l’émancipation des femmes au sein de la sphère spirituelle.
Cette approche, qui a pu varier en fonction des époques et des implantations géographiques des différentes communautés, est à l’origine de divergences notables entre les coutumes karaïtes et rabbanites. Par exemple, contrairement aux hommes rabbanites, les hommes karaïtes ne récitent pas la berakha (bénédiction) shelo ‘assani isha (« qui ne m’a pas fait femme ») ; hommes et femmes karaïtes bénissent ensemble habor’i betzelem Enosh (« Celui Qui m’a créé[e] à l’image d’Enosh »).
De ce fait, les femmes ne sont pas exemptées des commandements dont le temps est déterminé. Les karaïtes considèrent que lorsque la Torah limite un commandement aux seuls hommes ou aux seules femmes, le texte l’indique clairement, et que dans les autres cas, les prescriptions doivent être réalisées de la même manière, pour les hommes comme pour les femmes.
Certes, il existe quelques lois qui s’appliquent spécifiquement aux hommes (comme la circoncision), tout comme il en existe pour les femmes (telles que les lois relatives à la menstruation). Cependant, les femmes karaïtes peuvent exercer des fonctions importantes. Par exemple, des sources historiques rapportent qu’au XIe siècle en Espagne, après le décès du dirigeant de la communauté karaïte Sidi ibn al-Taras, c’est son épouse, al-Mou’alima (« L’Enseignante »), qui reprit la fonction de hakham. Cette communauté finit par immigrer en Égypte et rejoindre la plus grande communauté en nombre au XVe siècle.
Dans le karaïsme, le témoignage d’une femme a la même valeur que celui d’un homme. Les hommes et les femmes sont considérés comme égaux en matière de divorce. Bien que ce soit l’homme qui doit remettre le guett (document de divorce) à son épouse, il a été statué au XIXe siècle qu’un beth din (tribunal) karaïte peut s’y substituer si le mari refuse.
Ainsi, le statut d’agouna (« délaissée » : femme ne pouvant se remarier car son mari, bien que séparé d’elle, ne lui a pas accordé le guett) n’existe pas dans le karaïsme, attestant de l’égalité entre les sexes au sein de cette tradition religieuse.
Dans le karaïsme, il n’est pas interdit aux femmes de parler, de chanter dans la synagogue, voire même de monter à la Torah. Si hommes et femmes y sont séparés, comme chez les rabbiniques, la raison diffère : il ne s’agit pas de lutter contre la tentation ou la distraction des hommes pendant la prière, comme le veut la vision rabbinique, mais plutôt de protéger la pudeur des femmes lors de la prosternation.
Ainsi, les femmes disposent d’un espace séparé dans les synagogues afin de préserver leur intimité et leur confort lors des prosternations. Cette disposition témoigne de la considération accordée à la dignité des femmes au sein de la tradition karaïte, et souligne une fois de plus l’importance accordée à l’égalité des sexes et au respect des individus, indépendamment de leur genre.
Sources dans les Ketouvim:
1) Juges 5.1: Débora la prophétesse: « En ce jour-là, Débora chanta ce cantique, avec Barak, fils d’Avinoam ». Barak a entendu le chant de Débora ainsi que les autres Bnei Israël.
2) Exode 15.20-21 Myriam demande aux autrkes femmes de chanter avec elle. Même si elles avaient chanté séparément des hommes, il est indéniable que les voix de ces 600,000 femmes sont parvenues aux oreilles des hommes.
3) Samuel 1 18.6: « lors du retour de David après qu’il eut tué le Philistin, les femmes sortirent de toutes les villes d’Israël au-devant du roi Shaoul, en chantant et en dansant, au son… » Shaoul et les combattant ont entendu leur voix.
4) Samuel 2 19.36 « Je suis aujourd’hui âgé de quatre-vingts ans …Pourrais-je encore entendre la voix des chanteurs et des chanteuses? » Barzilaï est privé de ses facultés auditives. Mais quand il était jeune homme, il entendait des chanteuses.
5) Ecclésiaste 2.8: « Je me procurai des chanteurs et des chanteuses et les délices des fils de l’homme, des femmes en grand nombre. » Donc, même Kohelet étant jeune entendait des femmes chanter.
Il s’agit des chanteurs et des chanteuses qui chantaient en chorale ensemble. On le déduit, car il est écrit « sharim ve-sharotes », qui signifie: « chanter » conjugué au féminin pluriel et au masculin pluriel.
6) Ezra 2.65 « L’assemblée toute entière était de quarante-deux mille trois cent soixante personnes,… Parmi eux se trouvaient deux cents chantres et chanteuses ».
« les chantres et les chanteuses = masculin et féminin ensemble afin qu’elles puissent égayer le trajet ». Ils étaient tellement heureux de se rendre en Israël, que le trajet depuis leur exil babylonien s’est déroulé dans l’allégresse.
7) Chroniques 1 25.6: « Dieu avait donné à Héman quatorze fils et trois filles. Tous ceux-là étaient sous la direction de leurs pères, pour le chant de la maison de l’Éternel ». Héman était chargé d’exalter la puissance de l’Éternel. Les visiteurs de la maison de l’Éternel ont dû entendre le chant de ses filles.
Benjamin SIAHOU
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