Yefet ben Ali : Un érudit karaïte et son héritage
Yefet ben Ali, aussi connu sous le nom d’Ali al-Lawi al-Basri, était un sage karaïte originaire de Bassora, dans l’actuel Irak, alors sous le califat abbasside. Plus tard, il s’installa à Jérusalem, où il vécut entre 950 et 980, consacrant sa vie à l’étude et à l’interprétation des textes bibliques.
Très respecté au sein de la communauté karaïte, il fut surnommé « maskil ha-Golah », c’est-à-dire « l’éducateur de l’Exil ». Son œuvre, rédigée en judéo-arabe, couvre l’ensemble de la Bible hébraïque et se distingue par une traduction particulièrement littérale du texte.
Yefet ben Ali ne se contentait pas de traduire les Écritures, il les expliquait en s’appuyant sur la grammaire et la lexicographie, des outils qu’il considérait essentiels pour comprendre la Torah. Il compilait différentes interprétations existantes tout en développant ses propres analyses. Cette approche lui permettait d’alimenter le débat avec les rabbins, notamment Saadia Gaon, avec qui les divergences entre le judaïsme rabbinique et le karaïsme étaient souvent mises en lumière.
Un autre érudit, Abraham ibn Ezra, grand penseur rabbinique du XIIe siècle, s’inspira des travaux de Yefet ben Ali, le citant à quarante-deux reprises dans ses commentaires sur les prophètes.
Pour Yefet ben Ali, l’interprétation des Écritures devait rester libre. Il rejetait l’idée qu’une autorité externe puisse imposer une lecture unique de la Torah. Bien qu’il connaisse et utilise parfois les treize règles d’interprétation de la Mishna, il refusait de les considérer comme une référence absolue. Son approche était simple : rester fidèle au texte lui-même et privilégier une lecture littérale dès que possible.
Même s’il respectait les figures fondatrices du karaïsme comme Anan ben David, il n’hésitait pas à remettre en question certaines de leurs interprétations si elles lui semblaient inexactes.
Un héritage toujours étudié
Les commentaires de Yefet ben Ali ont marqué durablement l’exégèse biblique karaïte. Son travail a influencé plusieurs générations d’érudits et reste une référence dans l’étude du texte biblique. Ses analyses du Livre de la Genèse, des récits de Joseph ou encore des poèmes de Balaam dans le Livre des Nombres sont parmi les plus connus.
Aujourd’hui, certaines portions de ses écrits sont conservées dans les bibliothèques européennes et continuent d’être étudiées, témoignant de l’importance de son héritage dans l’histoire du karaïsme.
Benjamin S